Les récents développements des technologies numériques et de l’intelligence artificielle (IA) dans le domaine de l’éducation (EdTech, IAEd) sont l'objet de préoccupations éthiques de la part des institutions internationales (UNESCO, Conseil de l'Europe, OCDE, UNICEF) et nationales (CCNE, CNIL, Ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche). En effet, des questionnements spécifiques se posent en raison de leur usage dans le cadre scolaire chez les enfants/adolescents, concernant notamment l'impact sur le développement physique, psychologique et cognitif, et la protection du droit numérique pour les personnes mineures. Un autre champ technologique émergeant en passe de bouleverser profondément les méthodes éducatives est celui des neurotechnologies. Ces technologies utilisent des dispositifs d'interface cerveau/machine (Brain Computer Interface) qui établissent une connexion avec le cerveau et permettent d'enregistrer et/ou de modifier l'activité neuronale. Leur application dans le domaine de l'éducation rend possible, par exemple, de mesurer en temps réel le degré d'attention et les états émotionnels des élèves, en vue d'utiliser cette mesure pour améliorer leurs performances d'apprentissage. En effet, les neuro-technologies, qui sont issues du domaine de la recherche à des fins médicales, voient leurs usages étendus à d’autres sphères d’activités humaines: jeu vidéo, gestion du stress, du sommeil, surveillance des conducteurs de véhicule etc. Des dispositifs légers sans fil - casques/bandeaux munis d'électrodes, lunettes, capteurs auriculaires - sont disponibles dans le commerce pour capter les ondes cérébrales (EEG), les expressions faciales, la direction du regard, le rythme cardiaque etc. Ces technologies sont l'objet d'expérimentations dans le cadre scolaire et à la maison pour contrôler le comportement des élèves en situation d'apprentissage. Dans un futur proche, les recherches devraient permettre de mieux cerner les potentialités des neurotechnologies pour améliorer les capacités d'apprentissage des enfants, en particulier dans le cas de troubles du neurodéveloppement. Des approches telles que le "neurofeedback" et les "stimulations cérébrales transcrâniennes" sont déjà utilisées depuis une dizaine d'années, notamment chez des enfants/adolescents souffrants de troubles de l'attention (TDAH). Or, d'après des publications récentes qui dressent le bilan de ces études, il ressort qu'elles sont majoritairement entachées de biais méthodologiques, ce qui ne permet pas de conclure sur l'efficacité thérapeutique de ces technologies pour le TDAH, ni sur leurs effets de dopage intellectuel. Néanmoins, le marché du "coaching scolaire" avec ses publicités non fondées scientifiquement est florissant sur internet. La convergence entre les neurotechnologies, le numérique et l'IA dans l'éducation est pour bientôt. Dans ce contexte, il apparait souhaitable d'anticiper les enjeux éthiques et sociétaux de ces développements technologiques qui ciblent en premier lieu les enfants et les adolescents. Une question importante concerne l'usage des neurotechnologies chez des sujets jeunes, avec le risque d'interférer avec la construction de l’identité et de la personnalité, alors que le cerveau est en cours de développement. D'autres sujets de vigilance concernent la protection des données cérébrales face aux risques d'ingérence dans la vie privée mentale des enfants, et l'exploitation non consentie de ces données qui doivent être considérées comme des données personnelles sensibles (Ienca et al. 2022). Des préoccupations connexes concernent le risque pour l'enseignement public d'être tributaire de systèmes technologiques privés et aussi les nuisances de l'environnement liées à l'usage massif du numérique dans l'éducation.